Banalités de base

«  Survivre nous a, jusqu’à présent, empêchés de vivre. C’est pourquoi il faut attendre beaucoup de l’impossibilité de survie qui s’annonce désormais avec une évidence d’autant moins contestable que le confort et la surabondance dans les éléments de la survie nous acculent au suicide ou à la révolution. »

Voilà ce qu’écrivit Raoul Vaneigem en 1962 dans internationale situationniste n° 7. Le petit paragraphe 6 dont ces phrases forment la conclusion, commence ainsi : « Il faut comprendre la fonction de l’aliénation comme condition de survie dans ce contexte social. Le travail des non-possédants obéit aux mêmes contradictions que le droit d’appropriation particulière. Il les transforme en possédés, en fabricants d’appropriation et en auteurs de leur propre exclusion mais il représente la seule chance de survie pour les esclaves, les serfs, les travailleurs, si bien que l’activité qui fait durer l’existence en lui ôtant tout contenu finit par prendre un sens positif par un renversement d’optique explicable et sinistre. Non seulement le travail a été valorisé (…) mais, très tôt encore, travailler pour un maître, s’aliéner avec la bonne conscience de l’acquiescement, est devenu le prix honorable et à peine contestable de la survie. La satisfaction des besoins élémentaires reste la meilleure sauvegarde de l’aliénation, celle qui la dissimule le mieux en la justifiant sur la base d’une exigence inattaquable. L’aliénation rend les besoins innombrables parce qu’elle n’en satisfait aucun; aujourd’hui, l’insatisfaction se mesure au nombre d’autos, frigos, TV : les objets aliénants n’ont plus la ruse ni le mystère d’une transcendance, ils sont là dans leur pauvreté concrète. Le riche est aujourd’hui celui qui possède le plus grand nombre d’objets pauvres. »

Tiens, justement aujourd’hui se tenait à Bruxelles le colloque Stilte werkt, offert à tous ceux et celles qui « désirent intégrer le silence, le délai et la simplicité dans leur propre vie et dans la société entière ». Bref, un colloque sur la richesse qu’est devenue le silence, cette « qualité rare ».